15 décembre 2018

Jouer (2) : Méta-jeu

Dave Filoni, The Clone Wars, S5E03, 2012

Je vais continuer à disséquer avec toi ma façon de jouer au jeu de rôle, ce que j'aime en partie, à travers le jeu Terres Suspendues.

Il y a une vingtaine d'années, on a beaucoup parlé de méta-jeu (metagaming) en jeu de rôle. Quand tu fais parler ton perso pour dire qu'il a 15 en Force, tu brises l'immersion. Tu rappelles brusquement dans la fiction que ton perso est juste un perso, pas une vraie personne à qui il arrive de vrais trucs. L'illusion tombe, et les autres joueurs risquent de t'en vouloir.

J'ai fait des études de lettres. Quand on oppose immersion et méta-jeu, je pense immédiatement à ce qu'on appelle identification et distanciation dans les romans, les films, les séries ou les pièces de théâtre. On parle d'identification quand on maintient l'illusion que le perso est une vraie personne à qui il arrive de vrais trucs. On parle de distanciation quand on brise l'illusion. L'actrice descend de la scène, va voir un spectateur et lui demande ce qu'il pense de son mari.

La distanciation, c'est parfait quand c'est voulu, comme Guignol qui parle aux enfants dans le théâtre de marionnettes, mais quand ça tombe comme un cheveu sur la soupe, ça fait chier les autres, parce que ça les sort, contre leur volonté, de l'illusion où ils se sont confortablement installés, la fameuse suspension d'incrédulité (suspension of disbelief).

Le problème en jeu de rôle, c'est qu'il faut constamment faire appel au système, rappeler des règles… et ça, ça tombe comme un cheveu sur la soupe.

Deux solutions : la carotte ou le bâton. Perso, je préfère la carotte : intégrer le système à la partie. Sur les Terres Suspendues, un perso peut dire "J'ai 15 en Force" ou "J'utilise mon arme comme focus" parce que ça fait partie de la physique de l'univers. Exactement comme tu dis en parlant de toi "J'ai eu 15/20 en maths" ou "J'ai une licence d'histoire".

Le deuxième problème, c'est qu'on est tous autour de la table, qu'on joue une équipe, mais que, souvent, un perso peut se retrouver seul quelque part, et que les autres sont pas sensés être là. Je connais deux solutions en tant que meneur : prendre le joueur à part dans le couloir ou demander aux autres joueurs de se taire. Je déteste ça en tant que joueuse, c'est pas très carotte.

Voilà pourquoi, il existe deux sorts courants sur les Terres Suspendues : la sentinelle et le téléport. La sentinelle permet d'appeler un perso pour lui parler, un peu comme une visio-conférence ou un hologramme dans Star Wars. Le perso et le joueur peuvent donc choisir d'écouter les autres persos ou pas. Pareil pour le téléport, sauf que le perso débarque physiquement sur place. Voilà qui est plus carotte.

Une dernière astuce. Autour de la table, on boit souvent, on mange souvent. J'aime intégrer ça dans la partie, et pas seulement à Terres Suspendues. Les imageries servent à ça. Dans d'autres univers, on a des auberges, des tavernes, des bars, des cafés… Pour peu qu'on adapte la nourriture et la boisson à la partie, c'est parfait. Dans une partie steampunk que je menais un été, j'ai commencé la partie chez un limonadier et servi de la limonade aux joueurs. Dans une partie extrême-orientale, j'ai servi du thé.

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