22 mai 2015

Que faites-vous ? (1re partie)

"Que faites-vous ?" Cette phrase, c'est celle qui résume le mieux ce que font les rôlistes. On joue au jeu de rôle, mais pas que. La plupart d'entre nous sont aussi fans de cinéma, de séries, de bédés, de romans, de jeux vidéos, de Livres dont vous êtes le héros, de fan art, de jeux de société, de soirées enquêtes, de GN… La liste est longue et notre univers est vaste.

Le truc qui différencie le jeu de rôle de tout le reste, c'est qu'on est vraiment libre de tout faire. On a le choix, mais quel(s) choix ? C'est souvent ce que je me demande. Alors, le mieux dans ces cas-là, c'est de coucher ses idées sur le papier, ou l'écran en l'occurrence, et de faire le tri.

L'indétermination.  L'indétermination, c'est la première différence qui me vient à l'esprit quand je compare le jeu de rôle aux romans, aux films, aux bédés ou aux séries télés.

Un roman, un film est prédéterminé. J'ai le choix de le lire ou pas, d'aller le voir ou pas, de laisser tomber le livre en cours de lecture, de sortir du cinéma avant la fin du film, d'aimer le roman ou pas, de revoir le film ou pas, mais c'est tout. Tout ce qui va arriver au héros ou à l'héroïne est déterminé à l'avance. Tous ses choix sont déjà faits, et rien de ce que je pourrais faire ne réussira à l'influencer.

C'est pour ça que tant de gens ont horreur qu'on leur spoile un roman, un film ou une série. C'est leur gâcher la surprise, l'illusion de croire que tout peut encore changer, cette illusion qui vous tient tout le livre ou tout le film quand l'auteur ou le réalisateur sait s'y prendre.

Si je voulais vous spoiler une partie de jeu de rôle, ce serait plus difficile. Bien sûr, je pourrais vous gâcher pas mal de choses, mais pas tout. Parce qu'une partie est indéterminée : on ne peut pas savoir à l'avance ce qui va se passer et comment ça va finir. Vous en avez déjà fait l'expérience si vous êtes meneur de jeu. Faites jouer le même scénario à plusieurs tables et vous aurez rarement à chaque fois le même scénario.

J'ai dit "rarement". Il existe une technique en jeu de rôle qui s'appelle l'illusionnisme. Elle donne aux joueurs l'illusion de faire des choix, alors que le scénario est déjà tout écrit à l'avance. On peut s'en apercevoir avec certains meneurs de jeu, mais avec un meneur assez doué en illusionnisme, vous n'y verrez que du feu.

Les choix stratégiques & tactiques.  Si j'ai le choix en jeu de rôle, quels sont les choix possibles ? Qu'est-ce qui est indéterminé et qu'est-ce que ne l'est pas ? En tant que joueur, je peux tout faire, bien sûr, mais pas n'importe quoi.

Les choix les plus basiques sont les choix stratégiques et tactiques. Ces choix-là, je les ai aussi quand je joue à un jeu vidéo ou à un jeu de société. Telle arme ne donne tel bonus : la prendre ou non est un choix stratégique. En revanche, parer une attaque au bon moment est un choix tactique. C'est la différence entre stratégie et tactique : la stratégie se détermine à l'avance, la tactique dans le feu de l'action.

On pourrait croire que les choix stratégiques et tactiques se limitent aux scènes de combat, mais ce n'est pas le cas. Désamorcer un piège, crocheter une serrure, séduire un PNJ, il n'y a pas qu'au combat qu'on fasse des choix stratégiques ou tactiques. Choisir de jouer une femme pour avoir plus de chances de séduire un PNJ est un choix stratégique. Demander au roi un extra pour avoir délivrer la princesse est un choix tactique.

Si je regroupe choix stratégiques et tactiques, c'est parce qu'ils ont un point commun : mon objectif en tant que joueur est de gagner, ou au moins d'avoir l'avantage. En jeu de rôle, on appelle souvent ça du ludisme, même si je n'aime pas beaucoup le terme.

Un joueur qui aime gagner n'est pas toujours facile à identifier, surtout quand il ne s'en rend pas compte lui-même. Il y a des joueurs qui font tout pour perdre. Faire tout pour perdre ? Quelle drôle d'idée ? Ce n'est pas qu'ils aiment perdre, ils ne font que corser la difficulté. Ils suivent le vieil adage "à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire". Certains joueurs choisissent volontairement de ne pas se battre avec les meilleures armes, de ne pas optimiser leurs compétences ou de jouer un PJ physiquement ou socialement désavantagé. Jouer avec un handicap peut être grisant. Qui n'a pas entendu parler des paladins semi-orques à D&D ?

Les choix cosmétiques.  Les choix cosmétiques n'apportent pas grand-chose à l'histoire ni au jeu, mais ils participent de la couleur locale. Certains jeux vidéos vous proposent aussi ces choix quand vous créez votre personnage.

Quand vous jouez à Saints Row peu importe que vous soyez homme ou femme, blanc, noir, asiate ou latino, que vous portiez telle ou telle tenue ou que vous changiez de couleur de sous-vêtement.

Ces choix n'ont apparemment aucune incidence en jeu, encore que. Dans le jargon, on dit qu'ils ont un impact simulationniste. Ils permettent non seulement au joueur de s'immerger davantage dans la fiction en créant un personnage à leur image. Ils permettent aussi de se plonger davantage dans l'univers du jeu. Je peux choisir de jouer un elfe parce que j'aime leur physique, mais aussi pour savoir ce que c'est de jouer un elfe, quelle expérience de jeu ça procure.

Bien sûr, cela peut revenir à un choix stratégique. Si les elfes ont un bonus en magie et que je veux jouer magicien, j'ai tout intérêt à prendre un elfe. Si les elfes sont rejetés par la société, prendre un elfe me donne un handicap. Mais cela peut aussi m'amener en tant que personnage à faire des choix différents de ceux que ferait un humain.

Les choix cosmétiques sont donc aussi très importants. Je ne fais pas que jouer à la poupée, je me donne la possibilité de jouer autre chose que le personnage par défaut.

Les choix dramatiques.  Les choix dramatiques sont ceux qui distinguent le plus le jeu de rôle des romans, des films ou des séries. Ce sont les choix qui ont une incidence sur l'histoire et sur l'univers. Et pas besoin de sauver le monde à chaque scénario pour se rendre compte que nos choix ont des conséquences.

Les jeux vidéos peinent le plus sur ces choix. Bien sûr, dans les jeux à quête, je peux choisir de faire telle ou telle quête, dans tel ou tel ordre, et cela peut avoir un impact limité sur le reste de l'histoire. Certains jeux vidéos ont essayé, avec plus ou moins de succès, de proposer des choix dramatiques. Je pense à Fable, à Mass Effect ou plus récemment à Life is Strange. Mais il me semble qu'aucun jeu vidéo ne donne le même échantillon de choix narratifs qu'une partie de jeu de rôle.

C'est du moins ce dont j'essaie de me convaincre. Une partie de jeu de rôle offre-t-elle toujours un large éventail de choix narratifs ? On essaie souvent de "faire le scénar", comme on dit. Dans un jeu de rôle à mission ou dans un jeu de rôle d'enquête, mon objectif est d'abord d'accomplir la mission ou de trouver le coupable. Mes choix narratifs sont donc forcément limités.

Voilà, plus je creuse le sujet, plus il me vient de choses à dire. Mais l'heure tourne, et je prendrais bien un thé. L'occasion de continuer sur le sujet une autre fois…

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